Tuesday, September 23, 2008

Équilibriste

En contre-plan des lumières de la baie je ne savais dire de quel sexe tu étais. Quand ton profil se baignait dans les faisceaux, la nuit illuminait tes airs de jolie fille tragique et élancée, et je t'aimais, ta finesse anguleuse, tes regards pudiquement couverts derrière les voiles d'une brise atlantique. Beau garçon dans tes jeans ajustés. Je savourais tes mains; désirs à la fois de goûter à ton cou et de m'asseoir en silence, t'observer sans un geste, pour ne pas troubler ton parcours de funambule sur les frontières du dicible.

Monday, September 15, 2008

Un ange passe

Il y a de ces mots que nous ne disons pas.

Merci.

Je t'entends mieux dans le silence. Nos yeux se parlent si bien, je n'ai besoin d'aucune autre promesse.

Par moments dans la pénombre de ta chambre, dans la lueur timide, tu as soudain le doux visage d'une jeune fille de onze ans. La peau claire, le regard inquisiteur, le sourire ingénu. Tu es d'une beauté rare et, en ces moments, l'illusion m'étrangle d'amour.

Sous tous tes angles je t'embrasse. Toi alchimiste aux flancs criblés de fleurs, des vignes dans les cheveux, je ne saurai jamais assez te le dire. À chaque mouvement tu es autre et tour à tour je baiserai toutes tes mains.

Sunday, September 14, 2008

Lettre perdue

Il y a des jours où je ne sais plus rien. Au beau milieu des terrains circulaires de l'angoisse une image de beauté me vient et c'est ton visage qui me manque. J'erre à travers les jours, prise en chasse par des questionnements d'autres mondes. Puis je me souviens. Ton absence. Ton retour. Je ne sais pas si j'aurai les entrailles assez bétonnées pour bien vivre tout ça.

J'ai une grande malade qui sommeille au fond de moi. Par moments elle remue, je la berce doucement, prie pour qu'elle s'endorme. Je suis la juive qui tente de faire taire son enfant qui pleure, cachée sous les lattes du plancher. Je souris pour qu'elle cesse de sangloter.

J'ai peur de la porter en moi jusqu'à ma mort. Elle traîne dans mes yeux tristes, crochit mon sourire. Elle pèse si lourd. Je n'aurai plus la force très longtemps. Elle ne me partage pas, me consume tout entière. Elle me veut à elle seule. Elle me fatigue, si tu savais comme elle m'épuise. Il y a des soirs où je m'effondre sur le plancher de ma chambre avant même d'avoir atteint mon lit tant elle m'a grimpé dessus comme une colline, joué dedans comme une maison.

Alors pardonne mon silence.

Corde raide

Ce matin j'ai l'impatience au foie. Par petites gouttes de sornettes ma tête me raconte des histoires. Hier saoûle encore sur de violentes mélodies, ce matin je répertorie mes déchirures. Par ordre de date.

J'ai un goût de café derrière la dent... pourtant je ne bois jamais de café.

Le grondement du dehors s'infiltre dans mes draps, l'humidité transige avec ma pudeur fluctuante. Ce matin j'ai le coeur bien emmitouflé, déposé dans une boîte sous mon lit, avec un code postal au hasard, pas d'adresse de retour. Je réfléchis à le poster.

Tuesday, September 9, 2008

Vacuous

Sirènes stridantes. Sous ma poitrine. Derrière les bronches, là où s'asseoit l'âme. Un trône entouré de lave dans une cage qui se consume.

Je pense à mes pas. Où les placer? Vers où tourner? Je voudrais dérouler jusqu'au bout ce rouleau de feu qui me tire vers l'avant, bien ancré dans ma rate. Je crie pour une plage, le vacarme de velours des hautes vagues, là où je pourrai m'éteindre, m'enfouir, ne plus bouger, attendre. Assez. C'est assez de ces éclairs dans ma tête. C'est trop, ce ne sont pas les bonnes couleurs, ce n'est pas la vie que je m'imaginais. Il doit y avoir quelque chose d'autre. Je saignerai s'il le faut, mais dites-moi qu'il y a quelque chose d'autre.

Thursday, September 4, 2008

The lingering smell

J'ai monté les escaliers jusqu'à la porte toujours ouverte. Je savais qu'il n'y serait pas, j'espérais que je n'étais pas trop tard, que je n'avais pas manqué son absence. Être dans ses replis sans qu'il soit là. J'y pensais déjà. J'ai posé le pied sur les planches du passage étroit, prête à me jeter à l'eau.

La porte de sa chambre fermée, la poignée indécise. Sans faire un bruit j'ai ouvert, murmuré son nom comme un mot de passe. Allumé la lumière graduellement. Lit vide. Bonheur.

Son odeur enfermée derrière la porte sentait encore plus que si je m'étais enfoui le nez dans ses cheveux. Elle m'est revenue comme un chant, l'impression de sa présence récente, l'empreinte immatérielle des tourbillons dans l'air perturbé par ses mouvements, pétrifié dans ses arabesques. Son territoir, son terrier, les mètres qu'il parcourt encore et encore. Les jeans qu'il n'a pas choisis entassés sur le lit. Ses souliers de vernissage. Tout y était. J'ai refermé derrière moi.

Je me suis agenouillée devant le lit, ai pressé mon visage contre le matelas. J'ai empli mon nez de son sommeil comme s'il n'allait jamais plus exister pour moi. J'ai plissé les yeux. Doigts se crispant autour des draps. J'ai grimpé, replié mes genoux sur mon ventre. Ma tête sur son oreiller. J'ai essayé d'écouter ce qu'il entend, seul dans cette pièce, le silence propre à son périmètre. Je ne voulais rien bouger, passer invisible derrière lui, interprétant ses pistes. Recréer ses allers et venues à partir de ses gestes fossiles. Traquer le musement incessant des heures automatiques. Mythifier son quotidien. Thésée lu par Méduse.

Ces murs comme ceux d'un musée. La fenêtre fermée, la lune filtrée. Le désordre peint d'un Lascaux désoublié. Anamnèse. Douceur. Verbiose colorée. J'ai posé un baiser sur sa bouche imaginée, moulé de mes paumes les côtés de ses fesses. Imaginé son sexe sous mes doigts. La plus lente caresse.

Peut-être dans ses rêves, un soir, une visite en différé. Car on modifie nécessairement ce qu'on observe.

Wednesday, September 3, 2008

Sous le poids des feuilles qui tombent

Une masse familière, sur mes épaules voûtées. Comme une noirceur barbouillée. La suie dans mes yeux neige sur mes doigts.

Ce sont ces coins de rue évidés qui m'égratignent les idées. Les clochers se penchent sur moi, leurs branches encrent le ciel. Assise sous un serpent de lune c'est ta peau blanche qui me pèse, éclipsée elle aussi, quelque part enfarinée. J'en appelle à mes bouteilles. Aube perdue sous les fougères nocturnes.

Les grincements me bercent l'âme, quand et par combien de fois je suis revenue à eux, ils soupirent sur mes pages, lacèrent l'air. C'est inconnu, ce qui m'a toujours trotté. Des monolabes s'esquissent au creusant. Sons de poussière et d'algues, leurs cris allongés. Le sommeil vient panser la voûte ouverte.